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Le 07 mars 2018
Propriété intellectuelle/ droit d'auteur/ architectes/ droit au respect/modifications de l'oeuvre/ droit moral/ Avocat Lyon/ Cabinet Lorang Avocats

Du droit au respect d’une oeuvre architecturale : entre les critères de l’utilité et de la disproportionnalité de l’atteinte, la nécessaire preuve de l’atteinte à l’harmonie de l’oeuvre (Cass. 1ère civ. 20 décembre 2017, n° de pourvoi 16-13632)

En matière d’oeuvre architecturale, la protection conférée à un architecte ne peut jouer que dès lors que l'œuvre est originale et empreinte de la personnalité de son auteur.

Cette originalité peut naturellement résider dans le choix des formes, du style, des couleurs, des matériaux… etc.

Il appartient donc à tout architecte dont l’œuvre a été modifiée sans son accord de démontrer d'une part, l'originalité de son œuvre mais d’autre part, la preuve de sa création, lesquelles seront appréciées par les juridictions.

Il sera rappelé que conformément à l'article L121–1 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

Par conséquent, cette disposition propre aux droits d'auteur français permet en principe à l'architecte de s'opposer à toute modification, altération ou dénaturation de son œuvre, sous réserve de sa nature utilitaire.

 

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Dans cette espèce, M. X..., architecte a conçu et réalisé une oeuvre architecturale, inaugurée en 1995, destinée à recevoir les collections du « Musée de l'Arles antique ».

Il a constaté que le département des Bouches-du-Rhône avait fait entreprendre, sans son accord, des travaux d'extension du bâtiment dans le dessein d'y exposer un bateau de commerce gallo-romain retrouvé dans le Rhône en 2004.

Il a assigné le département pour voir ordonner la remise en l'état de l'oeuvre et le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts mais in fine la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 7 janvier 2016 a rejeté sa demande.

Dans son pourvoi, l’architecte invoque que si la vocation utilitaire d'un bâtiment interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son oeuvre, à laquelle son propriétaire est en droit d'apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l'adapter à des besoins nouveaux, il importe, néanmoins, pour préserver l'équilibre entre les prérogatives de l'auteur et celles du propriétaire, que ces modifications n'excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionnées au but poursuivi.

Qu’il appartient au propriétaire de démontrer que ledit équilibre est préservé, et non à l'architecte, titulaire du droit moral, de prouver que cette modification est de nature à dénaturer son oeuvre.

C’est ainsi que pour l’architecte la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 111-1 et L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle.

M. X... a également précisé :

-       qu'il n'était pas opposé au principe d'une extension de l'édifice muséal qu'il avait conçu, de forme triangulaire, mais qu’il était attaché à la réalisation d'une extension ne dénaturant pas l'harmonie de son oeuvre, proposant ainsi de bâtir l'extension dans le prolongement de l'un des angles du bâtiment ;

-       qu'il avait fait valoir l'existence d'altérations importantes de l'édifice originel qui n'étaient pas nécessaires, une extension pouvant être réalisée sans démolitions affectant ce dernier.

La Cour de Cassation rappelle que si la vocation utilitaire d'un bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci d'imposer une intangibilité absolue de son oeuvre, il importe cependant, pour préserver l'équilibre entre les prérogatives de l'auteur et celles du propriétaire de l'oeuvre architecturale, que les modifications apportées n'excèdent pas ce qui est strictement nécessaire à l'adaptation de l'oeuvre à des besoins nouveaux et ne soient pas disproportionnées au regard du but poursuivi.

La découverte de la barque datant de l'époque romaine déclarée « trésor national » ainsi que de sa cargaison, et la nécessité d'exposer cet ensemble dans le musée considéré, caractérisent l'existence d'un besoin nouveau qui, pour être satisfait, commandait la construction d'une extension.

La Cour en déduit que si l'unité qui s'attachait au bâtiment muséal excluait l'édification d'un bâtiment séparé, l'extension réalisée modifie la construction d'origine mais reprend néanmoins les couleurs originelles, blanche des murs et bleue des façades, et qu'il n'est pas démontré qu'elle dénature l'harmonie de l'oeuvre .

Selon le raisonnement de la Cour de Cassation, la Cour d’appel a donc légitiment déduit, sans inverser la charge de la preuve, que M. X... n'établissait pas que ces modifications nécessaires, apportées à un bâtiment utilitaire, étaient disproportionnées par rapport au but poursuivi.

Pour aller plus loin, « Droit moral de l’architecte et nécessités du service public culturel », note sous CA Aix-en-Provence, 2ème Ch., 7 janvier 2016, Dalloz IP/IT, juin 2016, pp. 302-304 par Philippe MOURON, Maître de conférences HDR en droit privé à Aix-Marseille Université.

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