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 du 21 JUIN 2018)
Le 18 août 2018
Propriété intellectuelle, contrefaçon de droit d'auteur, jeu de plateau à vocation pédagogique, atteinte au droit patrimonial des co-auteurs, atteinte au droit moral, Lorang Avocats, Avocat Lyon propriété intellectuelle

Reconnaissance de l'originalité d'un jeu de plateau à fins pédagogiques (Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE 2e Chambre
 du 21 JUIN 2018)

Condamnation in solidum d’une société d’édition et d’une personne physique ayant exploité les jeux pédagogiques COCCIMOD et COCCIMAGIC à verser aux co-auteurs des jeux de développement cognitif, les époux X, la somme de 8.000 euros en réparation de leur préjudice moral et une provision de 3.000 euros à valoir sur leur préjudice patrimonial définitif et condamnation à payer aux époux X la somme de 8.000 euros et à 
la société LUDIA la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Un couple dont le mari est médecin psychiatre et sa femme, une diplômée en Psychologie Clinique et Pathologie, ont créé en 1994 un jeu à destination des enfants, appelé COCCIMOD, dont le but est de favoriser le développement cognitif en permettant à l'enfant de se familiariser avec les concepts de symétrie et de repérage dans l'espace, destiné à être vendu dans le milieu paramédical rééducatif (IME, orthophonistes, orthopédistes)

En 1994 et 1997, un contrat d'édition portant sur le jeu COCCIMOD 1 et II et le jeu COCCIMAGIC a été conclu respectivement entre Madame X, Monsieur X et la société les Éditions D. ... fixant les droits d'auteur à 4% et 5% des ventes hors taxe.

En 2001 la société Éditions D. ... est devenue la SASU LUDIA qui a repris l'activité et les contrats de la précédente.

Mais à partir du mois de décembre 2001, Monsieur et madame X ont cessé de percevoir des droits d'auteur de la société LUDIA.

Plus de 10 ans plus tard, Monsieur et madame X ont constaté la vente, sur le site internet www.colemoi.net ainsi que sur le site www.lucia-asia.com d'un jeu COCCIMOD de couleur rouge.

Malgré des négociations intervenues, Monsieur et Madame X ont rompu leurs relations contractuelles avec la société LUDIA en 2012 et ont reçu paiement de leurs droits d'auteur relatifs au jeu COCCIMOD 1 pour la période allant de l'année 2004 jusqu’en 2012.

Découvrant sur internet plusieurs types de jeux COCCIMOD édités par LUDIA ASIA, Monsieur et Madame X ont fait assigner en 2013 la société COLEMOI et Monsieur Z devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille en contrefaçon de droits d'auteur.

Suivant jugement contradictoire du 4 juin 2015 dont appel, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a :

- dit que Monsieur Z et la société COLEMOI ont commis des actes de contrefaçon du jeu et du titre du jeu COCCIMOD créé par Madame X par l'exploitation des jeux COCCIMOD,

- condamné Monsieur Z et la société COLEMOI à verser à Madame X la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamné Monsieur Z et la société COLEMOI à verser à Madame X la somme de 3.000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice patrimonial,

- ordonné la publication judiciaire du jugement ;

- fait interdiction à Monsieur Z et à la société COLEMOI de commercialiser directement ou indirectement les produits contrefaisants sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement,

- ordonné la destruction aux frais de la société COLEMOI et de Monsieur Z du stock de produits contrefaisants ainsi que des documents reproduisant ces produits,

- condamné Monsieur Z et la société COLEMOI à verser à Madame X la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

 

En cause d'appel la S.A.R.L. COLEMOI et Monsieur Z, appelants, demandent de réformer le jugement et, en conséquence, de :

- dire et juger que le plateau du jeu COCCIMOD ne peut pas bénéficier du droit d'auteur et ne peut pas bénéficier de la protection du droit d'auteur,

- dire et juger que Madame X ne peut se prévaloir d'aucun droit d'auteur, sur le jeu COCCIMOD non plus que sur les éléments le composant et que Monsieur X ne peut se prévaloir d'aucun droit d'auteur, sur le jeu COCCIMOD non plus que sur les éléments le composant,

- dire et juger que Madame et Monsieur X n'ont aucun droit d'auteur sur le jeu COCCIMAGIC ou ses composants,

- dire et juger que les époux X ne peuvent se prévaloir de la qualité de coauteurs pour les jeux COCCIMOD et COCCIMAGIC,

- dire et juger que Madame X ne peut pas revendiquer de propriété intellectuelle sur le jeu COCCIMOD ni de droits sur l'appellation COCCIMOD,

- dire et juger que ni Madame X ni Monsieur X ne peuvent revendiquer de droits d'auteur sur le COCCIMOD ROUGE mis au point par la société LUDIA et Monsieur Z,

- dire et juger qu'il n'y a pas d'actes de contrefaçon commis par monsieur Z et la société COLEMOI,

- dire et juger qu'il n'y a pas d'actes de concurrence déloyale de la part de la société COLEMOI à l’encontre des époux X,

- dire et juger que Madame X et Monsieur X ont commis des actes de diffamation tant à l'encontre de la société COLEMOI que de Monsieur Z,

- dire et juger que les époux X de collusion avec la société LUDIA ont causé un préjudice à Monsieur Z et à la société COLEMOI en l'empêchant de pouvoir légitimement (de) créer un nouveau jeu, en conséquence,

- débouter Madame X et Monsieur X de toutes leurs demandes fins et conclusions,

- condamner Madame X et/ou Monsieur X à verser à la société COLEMOI la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi en raison de leur comportement fautif,

- condamner Madame X et/ou Monsieur X à verser à Monsieur Z la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de diffamation,

- condamner solidairement les époux X et la société LUDIA à payer à Monsieur Z la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de connivence intervenus entre eux, subsidiairement,

- dire et juger que Monsieur et Madame X se sont livrés à des actes de dénigrement,

- condamner Madame X et/ou Monsieur X à verser à la société COLEMOI la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce fait,

- condamner solidairement tout succombant à verser a la société COLEMOI et a Monsieur Z la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700.

 

Sur l'éligibilité au droit d'auteur du jeu COCCIMOD 

L'article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

L'article L.113-1 du même code dispose que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ci ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée.

Aux termes de l'article L.112-4 du Code de la propriété intellectuelle. Le titre d'une oeuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'oeuvre elle-même. Nul ne peut, même si l'oeuvre n'est plus protégée dans les termes des articles L.123-1 à 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une oeuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion.

L'oeuvre originale est protégeable sans formalité quelqu'en soit le genre et le mérite.

Concernant l'originalité du jeu COCCIMOD I et II, celui-ci est composé d'un ensemble d'éléments et accessoires, présentant une forme particulière, des couleurs particulières, selon un agencement réfléchi particulier leur conférant un aspect esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de leurs auteurs qui ont combiné cet aspect esthétique à un caractère ludique et pédagogique de sorte qu'il revêt une forme originale éligible aux droits d'auteur, celui-ci n'étant pas conditionné par un quelconque impératif technique.

La condensation du mot COCCINELLE et MODE pour désigner un jeu qui en soit n'a pas de sens revêt un caractère original, ce terme particulier a été indiqué dans le contrat d'édition pour identifier cette oeuvre de sorte que les époux X sont fondés à le voir protéger au titre du droit d'auteur.

 

Sur la contrefaçon

L'article L.122-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.

L'article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

'Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque"

Les éléments essentiels caractéristiques de l'originalité du jeu des époux X ont été repris comme mentionné par eux ci-dessus, et les simples modifications mineures qui y ont été apportées qui ne font que décliner la version de la première ne sont pas de nature à écarter la reproduction par imitation de celle-ci renforcée par l'apposition du titre à l'identique, générant pour l'acquéreur de celle-ci une confusion quant à l'auteur de cette oeuvre.

Il est justifié tant par le constat d'huissier du 3 juillet 2013 que les documents et lettres émanant de monsieur Z, que les versions de COCCIMOD rouge sont proposées à la vente par la société COLEMOI gérée par monsieur Z sur plusieurs sites internet et des salons spécialisés et antérieurement par monsieur Z en Chine et ce, sans l'accord des auteurs du jeu original.

Que c'est à bon droit que le tribunal a dit qu'ils ont commis des actes de contrefaçon du jeu COCCIMOD et du titre COCCIMOD.

 

Sur les mesures réparatrices

En vertu de l'article L.121-1, du CPI l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

Ce droit est attaché à sa personne.

Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

L'article L.l21-2 du même code dispose que l'auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l'article L.132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.

L'article L.331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose : « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ».

Les appelants ont édité le jeu COCCIMOD rouge sans jamais préciser le nom des auteurs de l'oeuvre originale et en modifiant le jeu sans leur accord anéantissant les intérêts scientifiques de celui-ci portant ainsi atteinte à leur droit moral d'auteurs.

 La Cour a donc logiquement confirmé le jugement en ce qu'il a condamné les appelants à payer à madame X la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice à ce titre et le réformant de ce chef, pour le surplus, de condamner également les appelants à payer à monsieur X la même somme en réparation de son propre préjudice moral.

 La commercialisation des produits contrefaisants depuis 2007 en France et à l'international notamment par un site dédié coccimod.com ont généré une perte de gains en transférant des achats sur ces derniers matérialisée par une baisse significative de leurs droits d'auteur à compter de cette date, il convient dès lors de confirmer la décision du tribunal ayant fait droit à la demande de madame X fondée sur l'article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle ayant ordonné sous astreinte la communication des pièces comptables permettant d'établir la masse contrefaisante, outre la publication de la décision et prononcé des mesures d'interdiction et de destruction, sous astreinte pour faire cesser le préjudice et qui lui a alloué une provision de 3.000 euros à valoir sur son préjudice définitif et il y a lieu d'allouer la même somme à monsieur X en réparation de son préjudice patrimonial eu égard à l'ampleur de la mise en vente des produits contrefaisants et de confirmer le surplus des mesures ordonnées par le tribunal pour faire cesser les actes de contrefaçon et le préjudice en résultant.

 

 

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