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Le 14 août 2019
Publication d'un jugement, publication d'une décision judiciaire, caractère licite, dénigrement, communiqué de presse, pratique anti-concurrentielle, concurrence déloyale, pratique commerciale trompeuse, Avocat Lyon, Lorang Avocats, droit des affaires.

Publier une décision judiciaire condamnant un concurrent? Oui, mais... (CA PARIS, 22 mars 2019)

Publier une décision judiciaire condamnant un concurrent? Oui, mais... (CA PARIS, 22 mars 2019)

Peut-on publier une décision judiciaire condamnant un concurrent ? Oui, mais…sous conditions (Cour d’appel de Paris, 22 mars 2019, pôle 5 2ème chambre, RG n°17/18458).

La publication d’une décision judiciaire condamnant un concurrent est légale uniquement si les commentaires l’accompagnant sont exacts, objectifs et mesurés.

A défaut, la publication litigieuse est constitutive d’une faute au sens des articles 1240 et 1241 du Code civil, entraînant la constatation d’agissements constitutifs de dénigrement.

Au cas d’espèce, XY est une centrale d’achat concurrente dans le secteur de l’Y. En 2013, la société Club Opticlibre a assigné la société XY devant le tribunal de commerce de Lille lui reprochant un démarchage agressif et une offre commerciale constitutive selon elle de revente à perte.

Par un jugement du 24 mars 2015, le tribunal de commerce de Lille a débouté la société Club Opticlibre de ses demandes au constat que la société X Y avait le statut de grossiste et n’avait pas pratiqué de vente à perte au sens de l’article L.442-2 du code de commerce et a débouté cette dernière de sa demande reconventionnelle fondée sur des faits, non justifiés, de concurrence déloyale par dénigrement.

Il a en outre condamné la société Club Opticlibre aux dépens et au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Club Opticlibre a interjeté appel de cette décision le 13 avril 2015 et la cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 31 mars 2016, a infirmé le jugement au motif que la société X Y ne peut se prévaloir du statut de centrale d’achat grossiste et qu’elle s’est effectivement rendue coupable de faits d’annonce de ventes à perte et l’a, en revanche, confirmé quant au rejet de la demande reconventionnelle.

Les deux parties ont formé des pourvois en cassation, qui ont été rejetés le 22 novembre 2017.

Le 22 octobre 2015, la société X Y a fait publier sur le site www.acuite.fr, site internet spécialisé à destination des professionnels de l’Y, un communiqué faisant état (« à sa façon ») du jugement du tribunal de commerce de Lille.
La société Club Opticlibre a fait établir le 23 octobre 2015, par huissier de justice, un constat sur ce site duquel il ressort que si l’on clique sur un titre «Décision de justice lire la suite...» on obtient un article.

Le 27 octobre 2015, l’avocat de la société Opticlibre adressait un courrier de mise en demeure au directeur de la publication d’ACUITE reprochant une présentation fausse et tendancieuse du jugement constitutif d’un dénigrement fautif à l’encontre de sa cliente et d’une pratique trompeuse au sens des articles L.121-1 et suivants du code de la consommation.

En réponse, le directeur de la publication d’ACUITE proposait un droit de réponse à la société Club Opticlibre, de remplacer le fond noir par un fond blanc et également de faire apparaître de manière visible qu’il s’agit d’une «publication rédactionnelle».

La société Club Opticlibre a alors assigné la société XY devant le tribunal de commerce de Paris lui reprochant des actes de dénigrement et de publicité trompeuse.

Le jugement du 19 septembre 2017 du tribunal de commerce de Paris déboute la société Club Opticlibre de ses demandes et l’a condamnée à payer les dépens et la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


Mais la Cour d’appel de Paris infirme le jugement.

La Cour considère que la société XY, si elle était bien en droit de publier sur un site internet à destination des professionnels un communiqué de presse faisant état du jugement du tribunal qu’elle a obtenu dès lors que cette présentation était exacte et objective, la manière dont elle l’a fait est ici fautive.

Car si les premiers paragraphes du communiqué apparaissaient objectifs avec la décision judiciaire, ce dernier perdait son caractère d’objectivité en énonçant que :

« La juridiction répond à la stratégie de désinformation mise en place par xxx ; que la société xxx avait largement médiatisé auprès des opticiens et des fournisseurs du monde de l’optique dans le but de discréditer un concurrent ; la campagne de désinformation doit désormais cesser ; le tribunal de commerce ait été particulièrement sensible aux protestations de bonne foi de la société et à la mauvaise foi de … puisque la juridiction a ordonné l’exécution provisoire du jugement sur la condamnation prononcée au titre des dommages et intérêts ». 

Ces phrases, ainsi formulées, ne reflétaient pas la réalité du jugement qui se contentait de mener une analyse juridique objective de la situation de la société et ne contenait aucune critique à l’encontre de l’attitude commerciale ou procédurale du concurrent (NB : ce qui peut arriver parfois…).

Dès lors, la publication litigieuse est constitutive d’une faute au sens des articles 1240 et 1241 du code civil, entraînant la condamnation de ces agissements constitutifs de concurrence déloyale vis-à-vis du concurrent direct.

La société XY a été condamnée à payer à la société Club Opticlibre la somme de 4.000 euros à titre de réparation de son préjudice et 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Yann Lorang (#lorangavocats, instagram: @lorangavocats Yann Lorang (Lorang Avocats)

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