Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Jurisprudence Mikado : le chocolat dans tous ses états…(CA Paris, 2ème ch., 9 mars 2018)
Le 10 avril 2018
Droit des marques/ Mikado/ Chocolé/ marque tridimensionnelle/absence de contrefaçon/ garantie d'origine/ confusion/ parasitisme/ marque renommée/ propriété intellectuelle/ Lorang Avocats

Jurisprudence Mikado : le chocolat dans tous ses états…(CA Paris, 2ème ch., 9 mars 2018)

La Cour d’appel de Paris a récemment eu l’occasion de se prononcer sur le caractère licite ou non de la commercialisation des biscuits « Chocolé » reproduisant la forme et l’aspect similaire du célèbre bâtonnet Mikado.

 

Dans cette affaire, les Sociétés Glico, Mondelez France et Mondelez International (ci-après dénommées « Mikado »), titulaires des marques tridimensionnelles Mikado, ont assigné devant le TGI de Paris les Sociétés Griesson et Solinest (ci-après dénommées « Chocolé »), titulaires des marques Chocolé, en contrefaçon de marques, atteinte à la renommée, nullité des marques Chocolé et parasitisme.

 

Dans son jugement du 20 octobre 2016, le TGI de Paris déboutait à la fois Mikado de l’ensemble de ses revendications mais également des demandes reconventionnelles de Chocolé en nullité des marques Mikado pour absence de disctinctivité.

 

Ne pouvant tolérer l’exploitation et la vente de biscuits similaires aux siens, Mikado a logiquement fait appel du jugement, sans résultat.

 

C’est ainsi que dans un arrêt du 9 mars 2018, la Cour d’Appel de Paris vient confirmer le jugement du TGI de Paris qui, tout en reconnaissant le caractère distinctif de la célèbre marque tridimensionnelle Mikado, rejette toutefois le caractère contrefaisant des biscuits Chocolé.

 

Aux termes de cet arrêt, la Cour d’Appel de Paris rappelle tout d’abord l’importance de la notion de disctinctivité en droit des marques, essentiellement liée à la fonction première de garantie d’origine d’un signe distinctif. La disctinctivité réside dans l’arbitraire du signe choisi au regard du produit ou service désigné. La Cour reconnait en l’espèce ce caractère à la marque Mikado comme l’avaient précédemment fait les juges de première instance.

 

Cette condition de validité essentielle du signe déposé avait pourtant été remis en cause par Chocolé dans sa demande reconventionnelle en nullité de marque fondée sur l’article L.711-2 c) du CPI (« Sont dépourvus de caractère distinctif les signes constitués exclusivement par leur forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle »).

 

Chocolé soulevait en l’espèce que la forme constituée par un embout biscuité ne résultait que de la fonction technique du produit destinée à éviter aux consommateurs de se salir les mains.

 

Les juges d’appel ont alors rappelé à juste titre que le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au regard d’une analyse d’ensemble du signe déposé par rapport aux produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé et « par rapport à la perception que le public pertinent en a ». 

 

En l’espèce, la marque tridimensionnelle déposée pour un biscuit de type « bâtonnet » de forme longue et mince, nappé de chocolat à l’exception de l’embout resté biscuité, se distinguait des formes usuelles des produits commercialisés en ce domaine de forme généralement carrée, rectangulaire ou encore circulaire.


Cette forme, si elle résulte d’une idée marketing, n’en reste pas pour le moins distinctive et que de fait, n’est pas exclusivement dictée par la fonction technique du produit, ni imposée par sa nature comme l’avançait Chocolé.

 

Les juges rappellent utilement que la fonction première de la marque reste la fonction de garantie d’origine, fonction qui permet au consommateur d’identifier le produit à l’entreprise déterminée, ce qui tel était le cas en l’espèce. La perception du signe litigieux comme l’indication commerciale des produits désignés étant pour les consommateurs moyens avérée.

 

La Cour d’Appel confirme ainsi que le signe distinctif par sa forme est « apte à assurer la fonction de garantie d’origine dévolue à la marque » et revêt bel et bien un caractère distinctif.

 

En revanche, s’agissant de la sanction de la contrefaçon arguée par Mikado, la Cour confirme la décision de première instance quant à l’absence de contrefaçon de la marque Mikado par les biscuits Chocolé dans la mesure où, selon elle, la confusion entre les marques ne serait pas avérée.

 

Si, de prime à bord cette position peut sembler étonnante au regard de la forte similarité entre les produits en présence (bâtonnets nappés de chocolat), elle se comprend par la comparaison des signes tels que déposés à l’enregistrement, en l’espèce relativement différents.

 

En effet, aux marques tridimensionnelles déposées par Mikado représentant le bâtonnet nappé de chocolat à l’exception de l’embout resté biscuité, s’opposent deux marques semi-figuratives représentant un emballage (et pas seulement un bâtonnet nappé de chocolat) sur lequel est reproduit le même type de biscuit accompagné d’une inscription centrale « Chocolé ».

 

L’article L.713-3 b) du CPI invoqué par Mikado (« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ») n’a pas été retenu en l’espèce.

 

Les juges ont considéré que nonobstant la similarité des produits concernés, la faible similarité des signes enregistrés n’était pas de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs qui pouvaient distinguer les deux signes et comprendre qu’il s’agissait de deux marques distinctes.

 

La Cour, si elle opère à une stricte application des textes, nie toutefois l’existence d’un risque de confusion potentiel et sujet à débat. L’arrêt apparaît alors comme une illustration parfaite de l’importance de l’appréciation souveraine des juges du fond en matière de contrefaçon.

 

Enfin – et il s’agit du plus surprenant – les demandes concernant l’atteinte à la renommée de la marque Mikado comme les actes de parasitisme ont été rejetées une seconde fois par les juges.

 

En effet, la Cour a considéré :

 

-        que les paquets commercialisés par Chocolé se différenciaient par leur forme, l’une de type « pocket » et l’autre de forme cylindrique, mais aussi par leur ouverture, l’une par le haut pour les biscuits Mikado, et l’autre par le bas pour les biscuits Chocolé ;

-        que les couleurs bleu ciel, blanc, marron, rouge et noir en présence n’étaient que les couleurs couramment utilisées en ce domaine pour distinguer les goûts chocolat au lait/ chocolat noir et que de fait, les emballages Chocolé n’évoquaient pas ceux de la marque Mikado,

et ainsi rejeté l’ensemble de l’argumentation de Mikado tendant à interdire la commercialisation des biscuits Chocolé.  

 

Si le point de vue et l’analyse juridique en permettent la compréhension, cette décision reste toutefois sévère pour le titulaire de la célèbre marque tridimensionnelle, désormais contraint de tolérer la commercialisation de produits concurrents très similaires, ce qui va affecter de façon considérable ses ventes et l’obliger à revoir sa politique de protection de ses actifs immatériels.

 

 

L. LEVEQUE

Y. LORANG

 

 

 

Vos coordonnées

Votre message

* Champs requis
t
 

Avocat à Lyon, Maître Yann Lorang conseille de nombreux clients venant de Villeurbanne, Caluire-et-Cuire, Sainte-Foy-lès-Lyon, Tassin-la-Demi-Lune, Écully, Oullins, Saint-Fons, Bron, Pierre-Bénite, Francheville, Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Saint-Génis-Laval, Rilieux-la-Pape, Décines-Charpieu et d’ailleurs.