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Le 17 septembre 2013
Droit d'auteur/ cession implicite/ tableau/ contrefaçon/ atteinte au respect/ dommages et intérêts

« A ŒUVRE DONNEE, ON NE REGARDE PAS LES DROITS D’AUTEUR… »

En vertu du grand principe de la distinction entre l’œuvre et son support, la cession d’un tableau, même à un prix dérisoire, ne permet ni à son propriétaire et détenteur d’user des prérogatives patrimoniales propres à l’auteur, ni de porter atteinte à son respect en la transformant à sa guise.

C’est une solution de principe qu’a rappelée le Tribunal de Grande Instance de Paris dans un jugement du 21 juin 2013 aux termes duquel il a considéré que la reproduction sur ses supports publicitaires par une société, sans l’accord de l’auteur d’un tableau dont elle était propriétaire, a porté atteinte à ses droits patrimoniaux et au droit au respect de l’œuvre de celui-ci, tout en la condamnant au versement des sommes de 3.000 eurosau titre du préjudice matériel consécutif à la contrefaçon, 500 euros en réparation du préjudice moral et a ordonné la destruction de tous les supports publicitaires contrefaisants l’œuvre.

Monsieur G. est artiste peintre en Loire Atlantique. En 2006, il vend à une charcuterie artisanale dans laquelle il a travaillé un tableau représentant des oies dans un paysage de bruyère pour la somme de 300 euros, cette somme couvrant le prix de la toile et de la peinture.

Par la suite, la société de charcuterie a utilisé à des fins commerciales le tableau sur son site internet, son véhicule utilitaire, la devanture de sa boutique, des panneaux publicitaires, des sacs à provisions et des affichettes publicitaires. Aucun contrat ne fut signé.

Ses mises en demeure étant restées infructueuses, Monsieur G. a assigné la société exploitante de la charcuterie (notamment suite au licenciement de son épouse qui y aurait travaillé) aux fins de constater que la société ne disposait d’aucun droit d’auteur sur son œuvre, qu’elle l’avait reproduite et transformée sur de multiples supports sans son autorisation, qu’elle en avait fait un usage commercial et avait atteint à son droit moral.

Il sera rappelé, contrairement à un certain nombre d’idées reçues en la matière, que :

-          sous réserve du respect des conditions de protection du droit d’auteur (création de forme originale et d’empreinte de la personnalité de l’auteur), toutes les œuvres sont éligibles au bénéfice de la protection du droit d’auteur, indépendamment du genre, de la forme d'expression, du mérite ou de la destination (article L. 112-1 du CPI) ;

 

-          la propriété de l’œuvre est distincte de celle du support et n’emporte pas cession, même implicite, des droits patrimoniaux attachés à la paternité de l’œuvre, quand bien même l’auteur en aurait toléré la reproduction pendant un certain temps (article L. 111-3 du CPI).

Ainsi, à défaut de cession des droits d’auteurs en bonne et due forme au moyen de la signature d’un acte conforme aux dispositions de l’article L. 131-3 du CPI exigeant que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue, sa destination, son lieu et sa durée, aucune cession de droits d’auteur n’a pu valablement intervenir.

Par conséquent, la contrefaçon par reproduction et représentation était bien constituée.

Mais l’artiste contestait par ailleurs l’association de son œuvre avec la « langouille brièronne », recette à base de langue de porc commercialisée par la société, qui selon lui portait atteinte à son droit de divulgation et à son droit au respect de l’œuvre.

Le droit de divulgation, défini par l’article L. 121-2 du CPI, est le droit pour l’auteur de porter son œuvre à la connaissance du public, ce dernier ayant seul le droit de la divulguer selon le procédé et les conditions de divulgation de son choix.

Le droit de divulgation s’épuisant par la première communication au public, le tribunal a rejeté le préjudice né de l’atteinte au droit de divulgation de l’artiste, la cession ayant nécessairement emporté la première divulgation de l’œuvre au public.

Restait dans la série des atteintes au droit moral celle de l’atteinte au droit au respect de l’œuvre.

Selon l’article L. 121-1 du CPI, l’auteur jouit également du droit au respect de son œuvre.

Effectivement, la société a reproduit l’œuvre sur ses différents supports publicitaires, l’a modifié et l’a déformée du fait de son apposition sur le véhicule de la société ou sur les étiquettes de « langouilles brièronnes », ce qui a porté atteinte à l’intégrité de l’œuvre.

Le tribunal a enfin considéré que l’association de l’œuvre au commerce de spécialités charcutières avait nécessairement porté atteinte à l’esprit de l’œuvre.

Du fait du nombre de supports publicitaires et commerciaux de la société, le tribunal a considéré que le préjudice patrimonial de l’artiste consécutif à la contrefaçon s’analysait en l’absence de perception d’une rémunération normalement due en cas d’exploitation d’une œuvre protégée, qui a été évaluée à la somme forfaitaire de 3.000 euros.

Le préjudice moral sera ramené à 500 euros du fait de la tolérance par l’artiste pendant plusieurs années des reproductions litigieuses avant de les dénoncer.

L’utilisation par un tiers d’œuvres protégées est encadrée strictement par la loi qui demeure fort heureusement très protectrice à l’égard des artistes qui bénéficient toujours il est vrai de l’adage in favorem auctoris… 

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